Le catholicisme, longtemps soutenu par la monarchie, est devenu un élément central de la contestation au XVIIIe siècle. Les mouvements des Lumières, héritiers des dévots jansénistes, ont maintenu un lien complexe avec la foi, façonnant ainsi le paysage intellectuel qui a précédé la Révolution française.
Selon l'historien américain Dale K. Van Kley dans son ouvrage Les Origines religieuses de la Révolution française, le culte catholique n'a pas seulement servi de soutien à la monarchie, mais a également joué un rôle clé dans sa remise en question. Cette thèse, qui peut surprendre, est fondée sur l'idée que les premiers rois de France se sont perçus comme des figures divines, héritiers de la lignée de David et Salomon, ce qui a renforcé leur autorité. Mais dès l'émergence du protestantisme, un affrontement se profile, particulièrement par l'intermédiaire de Jean Calvin, qui redéfinit la notion de majesté.
Le jansénisme, en tant que mouvement religieux, entre alors en scène, opposant la rigueur de la doctrine augustinienne à la flexibilité jésuite. Louis XIV choisit d'en faire une question d'État, en ordonnant la destruction de l'abbaye de Port-Royal en 1713, un événement qui souligne l'intensité du conflit religieux et politique. Cette lutte religieuse nourrit les tensions qui alimentent bientôt les revendications de la Révolution française.
Alors que le pays s’oriente vers le siècle des Lumières, le reflet de Port-Royal continue d’influencer la pensée critique. Des figures comme Antoine Arnauld et Blaise Pascal deviennent des références incontournables. Au sein de la population, un profond mécontentement germe contre la corruption du clergé et la monarchie, qui se détache de la religiosité.
Ce mélange de jansénisme et de philosophie des Lumières engendre des paradoxes. Les partisans de la liberté d'expression, bien qu'oubliant leur scepticisme sur le libre arbitre, s’avèrent être les pionniers de la modernité politique. La Révolution ne pourrait toutefois exister sans les philosophes comme Voltaire et Diderot, qui critiquent la religion et proposent un nouveau paradigme. Ce mouvement est porté par des personnalités comme l'abbé Sieyès, qui définit le tiers état, et le curé Grégoire, qui prône des droits humains fondamentaux.
Ce lien entre la foi et la révolution française ne découle pas d’un rejet total, mais d’une transformation. En affirmant de nouveaux cultes, comme celui de la Raison, la Révolution déplace le sacré sans l'abolir. Emmanuel de Waresquiel, dans son récent livre Il nous fallait des mythes, illustre parfaitement comment la Révolution vient remplacer plutôt que supprimer la dimension religieuse.
En analysant ces dynamiques, on comprend que le récit de la dualité entre un catholicisme et une laïcité opposée ne capture pas l’ensemble des relations. Ces deux héritages, souvent perçus comme ennemis, sont en réalité les branches d’une même lignée, marquées par des conflits mais aussi par une histoire commune. En reconnaissant cette parenté, la France pourrait enfin panser les blessures du passé.
