Les agressions sexuelles sur les nourrissons représentent un phénomène tabou qui choque et interpelle les spécialistes. Malgré les efforts de nombreux professionnels, ce fléau reste largement ignoré sur le plan public.
Un enfant de moins de deux ans est considéré par certains pédocriminels comme "la victime idéale". Incapable de s'exprimer ou même de se souvenir des faits, il devient une proie pour ceux qui minimisent gravement la nature de leurs actes. Marion Pierre, pédiatre au service de médecine légale à Rennes, souligne que ces violences sont souvent perçues comme "non graves" par les agresseurs.
Pour la première fois, la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof) a révélé des chiffres alarmants en novembre dernier : 614 bébés ont été accueillis pour des faits de violences sexuelles dans une unité médico-judiciaire (UMJ) en 2024. Ce chiffre ne représente que 2% des 73.992 victimes de violences sexuelles et sexistes reçues dans ces unités, laissant supposer une réalité bien plus sombre, comme l’a affirmé Sarah el Haïry, Haute Commissaire à l'Enfance.
Aurélie Besançon, cheffe de l'Office mineurs (Ofmin), précise que le "chiffre noir" est sans aucun doute plus élevé. "Les nourrissons, bien que constamment sous surveillance, peuvent toujours faire l'objet de ces abus", alerte Christophe Molmy, responsable de la Brigade de protection des mineurs à Paris.
Ce phénomène de violences sexuelles sur nourrissons a récemment été mis en lumière suite à la mise en examen d'une infirmière et de son ex-compagnon pour des agressions commises dans une maternité de Montreuil. "La société peine à accepter que de telles choses puissent se produire", déclare Marion Pierre.
Les agresseurs se trouvent généralement dans l'entourage proche de l'enfant, qu'il s'agisse de membres de la famille, d'amis ou de professionnels de la petite enfance. Cela touche toutes les classes sociales et toutes les régions, selon les témoignages reçus par le journal Le Monde.
Un obstacle majeur dans la reconnaissance et la poursuite de ces crimes réside dans l’absence de marques physiques chez les nourrissons. Hélène Romano, psychologue spécialisée, souligne que des agressions, comme une fellation ou l'introduction d’objets, peuvent se produire sans laisser de traces. "Il est hélas courant que les suspicions émises par les mères soient minimisées ou rejetées initialement," décrit-t-elle.
Malgré l'absence de signes évidents, d'autres manifestations de mal-être chez les nourrissons doivent être surveillées. Des troubles du sommeil, des comportements désintéressés ou une hyper-vigilance peuvent être des indicateurs d’abus. "Ces enfants réagissent souvent de manière inattendue aux stimuli qui les entourent," explique Marion Pierre.
La mémoire traumatique peut également jouer un rôle dans ces situations. Les violences subies peuvent ressortir bien des années plus tard, lorsque l’enfant commence à développer des comportements sexuels inappropriés ou des troubles psychiques. C'est un rappel urgent de la nécessité d'une vigilance accrue et d'une action collective pour protéger les plus vulnérables.
Pour lutter contre ce phénomène, l'engagement de la société, du milieu médical et des pouvoirs publics est essentiel. La prise de conscience collective est la première étape pour mettre fin à ces atrocités, afin que chaque enfant puisse grandir en sécurité et dignité.







