La Turquie a de nouveau suscité l'attention de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui a récemment condamné le pays pour avoir poursuivi et condamné de nombreuses personnes simplement en raison de leur utilisation de l'application de messagerie cryptée ByLock. Cette application, considérée par les autorités turques comme un outil de communication des membres du mouvement lors du coup d'État raté de 2016, est au cœur d'une controverse jugée par la CEDH comme une atteinte aux droits fondamentaux.
Dans plusieurs décisions rendues le 10 octobre 2023, la CEDH a statué sur les cas de 2.420 requérants, tous condamnés pour appartenance à une organisation terroriste liée au prédicateur Fetullah Gülen, opposant au régime d'Erdogan. Selon la CEDH, le système judiciaire turc a fait preuve d'une approche peu nuancée en considérant l'utilisation de ByLock comme un indice suffisant pour une condamnation.
Cette décision met en lumière les conséquences dramatiques de la répression qui a suivi le putsch manqué, entraînant des purges massives dans l'administration publique, l'armée et les médias, selon des rapports du Monde et de Human Rights Watch. Les juges de Strasbourg ont affirmé que cette pratique engendrait des condamnations arbitraires, compromettant ainsi le droit à un procès équitable, protégé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La cour a noté que la politique de répression de la Turquie vis-à-vis des utilisateurs de ByLock constitue un "problème systémique" déjà soulevé dans des affaires antérieures. La situation a été qualifiée par plusieurs observateurs, dont des avocats spécialisés en droits humains, de toxicité croissante pour l'État de droit en Turquie. Le professeur en droit international de l'Université de Strasbourg, Jean-Claude Marchand, souligne que "la détention et la condamnation basées sur une simple hypothèse d'appartenance à un groupe sans preuves tangibles sont inquiétantes et nécessitent une reconsidération urgente".
Avec des milliers d'autres affaires similaires en attente, la CEDH continue de faire face à un défi majeur en matière de respect des droits humains en Turquie, un pays où la ligne entre sécurité nationale et droits individuels reste floue. Le dialogue entre Ankara et les instances européennes devient de plus en plus critique alors que les inquiétudes s'accumulent concernant les standards démocratiques.







