Les agriculteurs français s'élèvent contre l'accord Mercosur, qui est souvent pointé du doigt comme la source de leurs difficultés. Des manifestations sont prévues à Bruxelles lors du sommet des dirigeants, avec des tracteurs bloquant les routes et des banderoles dénonçant le « bœuf aux hormones » brésilien. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, insiste sur l'importance de la souveraineté alimentaire, affirmant que « les agriculteurs ne peuvent pas être une variable d'ajustement ».
Pourtant, tandis que ces préoccupations résonnent dans toute la France, un autre défi se profile en toute discrétion : l'Ukraine. Depuis la libéralisation des exportations ukrainiennes, 800 000 tonnes de sucre sont arrivées sur le marché européen, dépassant largement les 180 000 tonnes envisagées dans le cadre de l'accord avec le Mercosur. Ce phénomène a conduit l'Union européenne à réintroduire des quotas et un « frein d'urgence » face aux protestations des agriculteurs de Pologne et de Roumanie.
Les chiffres sont alarmants. En 2023, l'Europe a reçu 6,2 millions de tonnes de blé ukrainien, et les produits comme le maïs et le poulet ont suivi la même tendance. Les coûts de production en Ukraine étant bien inférieurs à ceux de l'Europe, de nombreuses exploitations françaises se trouvent dans une situation précaire, et ce, sans que l'indignation populaire ne soit au rendez-vous.
Pourtant, il semble plus simple de critiquer le Mercosur que d'affronter la réalité ukrainienne. L'Ukraine, bien que confrontée à la guerre, pose un dilemme moral : comment soutenir un pays en crise tout en protégeant les intérêts de nos agriculteurs ? Jean-Luc Demarty, ancien directeur au sein de la Commission européenne, suggère que la France devrait avant tout tourner son attention vers les importations ukrainiennes. « Le Mercosur ne représente pas le véritable problème de l'agriculture française », déclare-t-il.
En réalité, le secteur agricole français traverse une crise qui n'est pas uniquement causée par les accords commerciaux. L'excédent commercial agricole de la France a chuté de 11,9 milliards d'euros en 2011 à seulement 5,3 milliards en 2023, et pourrait même devenir négatif en 2025, une première depuis 1978. De plus, la France est passée du statut d'exportateur net de volailles à celui d'importateur, une transition qui révèle des dysfonctionnements systémiques.
Les politiques menées depuis des années, telles que la réglementation des heures de travail dans les abattoirs ou les mesures environnementales strictes, ont sérieusement sapé la compétitivité des agriculteurs. Les témoignages d'exploitants se multiplient, soulignant la difficulté de s'adapter à un marché de plus en plus concurrentiel, principalement en provenance d'autres pays européens.
Il semble donc que le débat sur le Mercosur, bien qu'important, ne soit qu'une distraction face aux défis internes qui assaillent le secteur agricole français. En fin de compte, les politiques doivent évoluer pour faire face à une réalité bien plus complexe que celle d’un simple accord commercial.







